Le risque de subir une fracture liée à l’ostéoporose est considérablement accru en présence de certains facteurs prédisposants. Cela devrait être davantage pris en compte, car selon l’Association suisse contre l’ostéoporose (ASCO), la prévention primaire et secondaire est actuellement insuffisante en Suisse. Le score FRAX est approprié pour une évaluation du risque multifactoriel, et la densitométrie par DEXA est considérée comme le gold standard pour le diagnostic de l’ostéoporose. Même en présence d’une ostéopénie, une influence médicamenteuse sur le métabolisme osseux au moyen d’antirésorptifs ou d’anabolisants peut être utile dans certains cas.
Seuls 10% des patients ayant subi une fracture liée à l’ostéoporose reçoivent actuellement un traitement médicamenteux à base d’antirésorptifs ou de substances anabolisantes dans notre pays, explique le Dr Karim El-Haschimi, spécialiste en médecine interne, endocrinologie & diabétologie, Stoffwechselzentrum, Baden, en référence aux recommandations de l’ASGO mises à jour en 2020 [1,2]. Une femme sur deux et un homme sur cinq âgés de 50 ans et plus doivent s’attendre à subir une fracture liée à l’ostéoporose pendant le reste de leur vie [3]. Après une première fracture ostéoporotique, le risque de fractures ultérieures augmente de manière significative. Pour contrer cette tendance, les mesures du métabolisme osseux sont des outils importants pour évaluer le risque de fracture et, le cas échéant, mettre en place un traitement médicamenteux. L’os se dégrade en permanence à certains endroits du corps pour être remplacé par une nouvelle substance ou pour s’adapter aux changements de charge. Cela se fait dans le cadre de processus réglementaires complexes. En cas d’ostéoporose, l’équilibre entre la formation et la résorption osseuses est modifié en faveur de la résorption osseuse. La densité et la masse des os diminuent régulièrement. Il en résulte un tissu osseux dont les propriétés structurelles sont modifiées et dont la capacité de charge est réduite en conséquence. La diminution de la masse osseuse se traduit cliniquement par une réduction de la densité minérale osseuse, qui peut être détectée par absorptiométrie à double rayon X (DEXA).
Chez quels patients la mesure de la DEXA est-elle indiquée ?
Pour une évaluation multifactorielle du risque chez les hommes et les femmes de plus de 45 ans, le score FRAX (“Fracture Risk Assessment Tool”) est approprié [4]. Il s’agit d’un outil validé pour évaluer le risque à 10 ans de fractures graves de la hanche, de la colonne vertébrale, de l’avant-bras ou de l’humérus proximal. Outre l’âge et le sexe, d’autres facteurs de risque sont pris en compte, tels que l’IMC <20, une fracture après l’âge de 40 ans (à l’exception des mains, des pieds et du crâne) et une fracture du col du fémur chez un parent. Pour un dépistage sommaire dans la pratique clinique quotidienne, le Dr El-Haschimi recommande de répondre aux questions suivantes (si la réponse à l’une d’entre elles est affirmative, il est possible que le risque d’ostéoporose soit plus élevé) ;
- Le père ou la mère ont-ils eu des fractures ou le dos rond sans raison apparente ?
- Avez-vous diminué de plus de 5 cm ?
- Votre IMC est-il <18 kg/m2 ?
- Êtes-vous alité ou en fauteuil roulant depuis longtemps (>3 mois) ?
- Votre ménopause a-t-elle commencé avant l’âge de 45 ans ou vos ovaires ont-ils été retirés tôt ? (uniquement pour les femmes)
- Souffrez-vous d’une maladie chronique du foie ou des reins ?
- Souffrez-vous de diarrhées récurrentes ?
- Souffrez-vous d’une maladie rhumatismale ?
- Avez-vous dû prendre de la cortisone pendant plus de 3 mois dans le passé ?
- Consommez-vous rarement du lait, du fromage et des produits laitiers ?
Selon les recommandations actuelles de l’ASGO, une ostéodensitométrie doit être réalisée si, sur la base des facteurs de risque cliniques, il existe un risque accru d’ostéoporose [2]. Les indications de DEXA acceptées par les caisses sont présentées dans l’aperçu 1 [1]. Outre ces facteurs, une fracture antérieure >40 ans (sauf mains, pieds, crâne) ainsi que le tabagisme et la consommation d’alcool (>3 unités par jour*) augmentent le risque d’ostéoporose.
* 1 unité = verre standard de bière 285 ml ou mesure unique de spiritueux 30 ml ou verre moyen de vin 120 ml ou 1 mesure d’apéritif 60 ml.
Valeur T : classification densitométrique selon l’OMS
La densitométrie par absorptiométrie à double rayon X (DEXA) (Fig. 1) est réalisée sur la colonne lombaire (moyenne des vertèbres évaluables L1-L4), sur le fémur entier et sur le col du fémur (mesure unique ou moyenne des fémurs gauche et droit) [2]. La valeur la plus basse de la colonne lombaire, du col du fémur et du fémur total est déterminante pour l’estimation du risque de fracture à 10 ans. La classification densitométrique de l’ostéoporose se fait selon l’OMS (s’applique uniquement à la mesure DEXA de la colonne vertébrale ou du fémur proximal). Les écarts par rapport au collectif sain du même âge sont exprimés en valeur Z, les changements par rapport aux jeunes en bonne santé en valeur T. Une valeur Z normale (>-1) signifie que la densité osseuse correspond à la norme typique pour l’âge. Cependant, cette valeur ne joue qu’un rôle mineur dans l’indication d’un traitement. Pour diagnostiquer le degré d’ostéoporose, on utilise en premier lieu la valeur T. La valeur T est une mesure de la densité osseuse. Une perte de densité osseuse de 10 % correspond à environ -1 écart-type pour la valeur T En plus de la mesure de la DEXA, une évaluation des fractures vertébrales doit être effectuée dans la mesure du possible et le score osseux trabéculaire (“trabecular bone score”) doit être relevé.
Un traitement est-il nécessaire en cas d’ostéopénie ?
Un T-score compris entre -1 et -2,5 correspond par définition à une ostéopénie, et un T-score inférieur à -2,5 à une ostéoporose manifeste. Dans ce dernier cas, l’indication d’un traitement anti-résorptif est clairement posée, mais les fractures surviennent souvent même en présence d’une ostéopénie. Dans ses lignes directrices, la National Osteoporosis Foundation américaine recommande aux hommes de plus de 50 ans et aux femmes ménopausées de commencer un traitement si le risque à 10 ans, selon le score FRAX, de fracture de la hanche est d’au moins 3% ou si le risque de fracture ostéoporotique majeure est d’au moins 20% [1]. Sur le plan thérapeutique, une large gamme de médicaments est disponible. Les préparations pharmacologiques actuellement autorisées en Suisse pour le traitement séquentiel de l’ostéoporose sont indiquées dans le tableau 1 [1].
Utiliser des antirésorptifs ou des agents anabolisants ?
En Suisse, les substances anabolisantes ne sont en fait prescrites qu’aux patients qui ont déjà subi une fracture ou lorsque le traitement antirésorptif n’a pas été efficace ou n’a pas permis d’éviter les fractures de fragilité. Les antirésorptifs sont plus fréquemment utilisés, mais la tolérance et les comorbidités doivent être prises en compte. Pour favoriser l’observance, il est essentiel de tenir compte des préférences des patients, souligne le Dr El-Haschimi [1]. Les bisphosphonates oraux posent souvent un problème de tolérance, mais des substances actives correspondantes peuvent être recommandées par voie intraveineuse : soit tous les trois mois (ibandronate ; Bonviva®), soit tous les 12 mois (zolédronate ; Aclasta®). Un exemple de bénéfice supplémentaire est lorsque, chez un patient présentant un excès d’hormone parathyroïdienne (qui permet de libérer le calcium de l’os), un traitement antirésorptif avec un bisphosphonate ou du dénosumab (Prolia®) permet de réintroduire le calcium dans les os. Le denosumab est également utilisé le plus souvent chez les patientes atteintes d’un cancer du sein. Prolia® peut actuellement être utilisé jusqu’à dix ans, selon les données de la phase d’extension de l’étude pivot, explique le Dr El-Haschimi. En revanche, pour les bisphosphonates, l’horizon temporel du traitement est actuellement limité à cinq ans. Le dénosumab est un médicament efficace et sûr, mais lorsqu’on l’arrête, il faut faire attention à certaines choses. Un effet de rebond peut être contré par le zolédronate (Aclasta®) i.v. 5 mg 1× par an, première administration six mois après la dernière application de Prolia®, l’alendronate peut être utilisé comme alternative [5]. Les marqueurs du remodelage osseux doivent être mesurés tous les trois à six mois à des fins de suivi [6]. Le Dr El-Haschimi n’utilise plus guère les médicaments du groupe des modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes (SERM), car leur efficacité est relativement faible.
Parallèlement à l’action pharmacologique sur le métabolisme osseux, il convient de mettre en œuvre des mesures de base dans le domaine de l’alimentation et de l’activité physique. L’expérience montre que de nombreux patients atteints d’ostéoporose ont un faible taux de vitamine D, a déclaré l’orateur. “Nous conseillons souvent à nos patients de consommer suffisamment de calcium et de vitamine D et nous prescrivons parfois des préparations combinées”. En ce qui concerne l’alimentation, l’idéal serait de consommer trois portions de produits laitiers** par jour, souligne le Dr El-Haschimi [1].
** 1 portion = 2 dl de lait ou 180 g de yaourt ou 60 g de fromage à pâte molle ou 30 g de fromage à pâte dure
Congrès : Réunion sur l’ostéoporose
Littérature :
- El-Haschimi K : Formation continue en ligne pour AIM & médecins généralistes. Ostéoporose : la première étape du traitement est le diagnostic. Dr. med. Karim El-Haschimi, Réunion sur l’ostéoporose, 2 septembre 2021
- Ferrari S, Lippuner K, Lamy O, Meier C : 2020 recommandations pour le traitement de l’ostéoporose en fonction du risque de fracture de l’Association suisse contre l’ostéoporose (ASCO). Swiss Med Wkly 2020, 150:w20352
- Lippuner K : Épidémiologie et place de l’ostéoporose en Suisse, 2013, https://doi.org/10.1024/0040-5930/a000266
- FRAX® Fracture Risk Assessment Tool, www.shef.ac.uk/FRAX (dernière consultation 12.10.2021)
- Anastasilakis AD, et al : Zoledronate for the Prevention of Bone Loss in Women Discontinuing Denosumab Treatment. Un essai clinique prospectif de 2 ans. J Bone Miner Res 2019 ; 34(12) : 2220-2228.
- “Prolia® et Evenity® : comment éviter le rebond ?”, 28.01.2021, www.rheumaliga.ch/blog/2021/prolia-evenity-rebound-effekt
HAUSARZT PRAXIS 2021 ; 16(10) : 38-41 (publié le 27.10.21, ahead of print)